L’effondrement de l’Union européenne serait une chance pour l’industrie et l’emploi
Les programmes des candidats aux primaires présidentielles des Républicains et du Parti Socialiste, n’intègrent guère l’éventualité d’une faillite de l’euro ou d’une dislocation de l’Union européenne. Pourtant, si l’on observe la récurrence et la gravité des crises monétaires et politiques qui secouent l’Europe et le monde, le risque pourrait bien se matérialiser au cours du prochain quinquennat.Cela nous offrirait en revanche, l’opportunité de relancer l’industrie.
La vacuité des programmes politiques
Le pouvoir politique ne dispose que de peu de marges de manœuvre économiques et certaines propositions émises par des prétendants à la magistrature suprême, sont incompatibles avec les traités européens. On peut aussi, au choix, s’étonner de la naïveté ou douter de la sincérité du bateleur du «made in France» Arnaud Montebourg et des autres candidats qui promettent également de contraindre l’UE à changer sa politique et ses règles de fonctionnement.Les français entendent cette antienne depuis longtemps mais ont vu le pays se vider progressivement de son industrie. La plupart d’entre-deux ont depuis plusieurs années, la certitude qu’aucun plan industriel d’ampleur susceptible de redresser notre économie et de réduire significativement le chômage de masse, ne pourra jamais voir le jour dans le cadre de l’Union européenne.A défaut de pouvoir proposer une politique économique ambitieuse et efficiente, des prétendants à l’élection présidentielle appartenant aux partis de gouvernements, en sont réduits à une surenchère de mesures d’économies s’apparentant davantage à un exercice comptable conforme aux attentes de Bruxelles qu’a un projet présidentiel transcendant et fédérateur. Certes, la dépense publique alourdit considérablement les déficits et il faut réformer le pays. Néanmoins, il n’est pas acquis que le pouvoir politique parvienne à imposer dans une France en plein marasme économique, des réformes dont la mise en œuvre s’était déjà révélée impossible durant des périodes moins critiques. Il n’est pas certain non plus, compte tenu des nombreux coups de rabot déjà effectués dans la fonction publique, qu’un nouvel objectif d’économie de 80 à 100 Mds sur la dépense publique en cinq ans, soit réalisable. Nous assistons déjà à une multiplication des crises dues à un manque de moyens en personnels et matériels dans la police et l’armée, la santé ou l’enseignement. Mais il est permis de penser que les promesses de réformes seraient oubliées dès les premières manifestations d’opposition. Citons la célèbre devise de l’ENA, PDV MV PDV ("pas de vagues, mon vieux, pas de vagues") qui reprendrait certainement ses droits après l’élection présidentielle.
L’Union Européenne est à bout de souffle et il apparait peu avisé d’entamer dans la précipitation des réformes d’austérité qui appauvriraient et précariseraient davantage de français. Par ailleurs, le FMI prédit depuis plus d’un an, l’éclatement de la plus grosse bulle financière de l’histoire, plus dévastatrice que celle de 2008 et il semble peu raisonnable de vouloir détruire le modèle social qui précisément, a amorti l’impact de la dernière crise sur la France.La récession pourrait s’inviter durablement. La division de la population s’accentuerait quand cette dernière devrait au contraire, dans une période déjà tellement troublée, se rapprocher.Aussi pourrait-il s’avérer plus pertinent d’attendre la probable disparition de l’UE et le début de notre réindustrialisation pour ensuite traiter sereinement, hors des postures démagogiques et de l’influence de Bruxelles, le chantier de la dépense publique.
Se préparer à un changement de paradigme
Peut-être convient-il d’anticiper et d’accompagner l’inéluctable mutation qui s’annonce, à l’instar de la première ministre britannique Theresa May qui veut profiter du Brexit, pour tourner le dos à la politique Thatchérienne de désindustrialisation. L’élection de Donald Trump laisse augurer une semblable politique de relocalisation de l’industrie aux USA. A la veille d’un changement mondial de paradigme, il semble urgent de penser un programme économique exempt de visée électoraliste, pragmatique et fédérateur, qui pourrait être rapidement mis en œuvre, quel que soit l’issue de l’élection présidentielle et le gouvernement qui officierait au moment de l’effondrement. L’instauration d’une nouvelle politique industrielle favoriserait une reconstruction qui devrait alors profiter à tous, citoyens et entreprises. Le projet pourrait nous éviter qu’un gouvernement désemparé n’applique à la hâte, lors d’un éclatement de l’UE qui pourrait se produire avant ou pendant le prochain quinquennat, une politique économique irréfléchie et inefficiente.
Une union de nations demeurant souveraines
Au moment de la chute de l’UE, la France pourrait inviter la Grande-Bretagne à participer à la construction d’une union plus démocratique de pays souverains poursuivant de mêmes objectifs économiques dont la réindustrialisation. Le nouveau couple Franco-Britannique devrait d’abord définir les conditions d’adhésion et les règles de fonctionnement auxquelles les futurs pays membres devraient adhérer. Pour exemple, l’Allemagne enregistre un excèdent commercial de 248 Mds d’euros. Ses exportations sont majoritairement réalisées en Europe, mais son excèdent est surtout réinvesti hors de l’UE. Notre voisine d’outre-Rhin devrait harmoniser sa politique économique avec celle de la nouvelle union. La puissance, la crédibilité et l’influence économique, diplomatique et militaire d’un groupement désormais plus homogène et réactif, s’en trouveraient considérablement renforcées. Bien que constitué de seulement quelques pays, son PIB le classerait néanmoins au deuxième ou troisième rang des puissances économiques. L’accueil de la Russie au sein du groupe pourrait présenter un intérêt géostratégique et mériterait d’être débattu et tenté.
Réindustrialiser et éradiquer le chômage de masse
La France est parmi tous les pays d'Europe, celui qui s'est le plus désindustrialisé. Plusieurs millions d’emplois ont ainsi été détruits au cours des dernières décennies. Bien que la population française ait crû de 5 millions de personnes au cours des quinze dernières années, le chiffre de 15.8 millions de salariés dans le secteur marchand n’a pas progressé. Dans une France qui compte désormais 66.6 millions d’habitants, le nombre de cotisants et le volume des cotisations du secteur privé, salariés ou indépendants, ne suffisent évidemment pas. Au fil des années, un cercle vicieux évolutif s’est mis en place. Déficits, dette, contribution des entreprises et coût du travail augmentent continuellement.
Dans notre réflexion publiée en mai et juin 2016 sur le site du Figaro, bâtie sur l’hypothèse d’une disparition de l’UE, figurent des mesures propices à une réindustrialisation de la France : Une baisse financée par compensation, de 50 % des cotisations sociales patronales et salariales des métiers de l’industrie manufacturière dont artisanat de production. Chaque poste créé génèrerait à terme, d'autres emplois, indirects et induits. Des allègements de charges concernant les autres emplois et secteurs seraient accordés au rythme de l’augmentation du nombre de cotisants. Un abaissement de l’IS à un niveau plus attractif et comparable à celui de l’Irlande, ferait revenir des sièges sociaux et générerait ainsi une augmentation des ressources de l’Etat. La création d’une organisation hors du champ politique, qui favoriserait le financement des TPE/PME, mutualiserait des moyens et pondèrerait les coûts grâce à ses pôles de développement de filières industrielles (PDFI). Hors de la contrainte des traités de fonctionnement de l’UE, l’industrie manufacturière des biens de consommation bénéficierait de plans de relance sectoriels ciblés et efficaces mais aujourd’hui proscrits par l’UE au nom du respect de la concurrence (TFUE article 107). Ce traité et d’autres, non moins restrictifs, nous interdisent aujourd’hui toute relance massive de l’industrie.
En moins d’une génération, la France atteindrait un niveau de réindustrialisation et d’activité, susceptible de procurer plusieurs millions d’emplois à une population qui comptait déjà fin 2012, plus de 9.2 millions d’individus impactés à des degrés divers par le chômage.Les régimes renoueraient peu à peu avec l’équilibre, l’essentiel du modèle social français serait préservé mais le poids des cotisations s’allégerait. Les mesures satisferaient bon nombre d’entrepreneurs mais surtout une collectivité, qui verrait son chômage de masse refluer. Les français croiraient à nouveau en leur avenir et notre pays retrouverait un nouveau souffle.
Francis Journot tient le site Collectivité nationale. Il est membre du mouvement Rendez-nous notre industrie et de l’association Vêtement made in France.