Macron céde l'ADIT, N°1 francais et européen de l'intelligence économique, au fonds d'investissement canadien Sagard
L’ADIT ou Agence pour la diffusion de l'information technologique est aujourd’hui le N°1 français et européen de l’intelligence économique. A l’origine, cet établissement public créé par décret en 1992, assurait bon nombre de missions stratégiques. Citons parmi celles-ci, l’analyse des informations provenant des ambassades françaises à l’étranger, l’introduction de l’intelligence économique dans certains services publics, la collaboration avec le ministère des affaires étrangères etc. Son influence dans les politiques de l’Etat dont elle assurait le secrétariat exécutif du Comité pour la compétitivité et la sécurité économique, était primordiale. Mais en 2001, Jacques Chirac privatisait cette structure qui devenait ainsi en 2003, une société anonyme (SA) détenue par l'Agence des participations de l'État (APE).
En 2010, dans la continuité d’une politique de privatisation dont on cherche souvent la pertinence pour l’intérêt public, Nicolas Sarkozy cédait 66 % du capital au fonds français Butler Capital Partners alors que l’agence stratégique démontrait une fois de plus son efficacité la même année en participant au rapatriement des entreprises françaises fuyant Bagdad.
Depuis, ce premier acquéreur majoritaire a cédé ses parts au fonds Weinberg Capital en 2015 qui lui-même les a transmises au fonds français Parquest pour 130 millions d’euros en 2019. Selon l'article "L'Adit, leader de l'intelligence économique, passe sous le pavillon de Sagard" pulblié dans le quotidien Les Echos, ce dernier est entré en négociation avec le fonds canadien Sagard qui propose, avec la bénédiction de l’Etat français (BPI et APE), propriétaire de la minorité de blocage de 34% (golden Share) et du fond Amundi (Crédit agricole), un achat par LBO (Leveraged buy-out) de 350 millions d’euros pour un peu moins de 50 % des parts. Ainsi, la valeur de l’entreprise aura doublé en un peu plus de 2 ans.
Actuellement, le groupe emploie 650 salariés et le chiffre d’affaires de 2018 est passé en 3 ans de 73 à 150 millions d’euros. Son Ebitda qui dépasse 22 millions d’euros, a doublé en moins de deux ans. Le montage financier de rachat par effet de levier ou LBO, pourrait permettre à Sagard d’acquérir l’ADIT en consacrant peu de fonds propres.
Bien que ne connaissant pas les termes de la négociation exclusive, on peut supposer que Sagard va créer une holding ayant vocation à terme à fusionner avec l’ADIT. La holding de Sagard puiserait dans les caisses (cash-flow) de l’ADIT pour rembourser le montant négocié avant d’en prendre le contrôle.
Parmi les dernières acquisitions de l’ADIT citons : l’achat de GEOS qui détient un contrat de sécurité avec l’UE, celui d’Eurotradia international qui conseille Dassault, Airbus, Safran ou Thales mais aussi des parts dans la société militaire DCI qui collabore avec l’armée française etc. Compte tenu du nombre de secrets militaires et d’Etat que l’ADIT détient probablement et d’une éventuelle perte d’un acteur majeur de l’économie, peut-être faut-il s’inquiéter. Par ailleurs, une entreprise créée par décret pour servir une stratégie française, a-t-elle vocation 30 ans plus tard, à dispenser des conseils à des entreprises chinoises souhaitant concurrencer des entreprises installées dans l’hexagone.
Même si le fonds canadien Sagard est originaire d’un pays ami, il n’en reste pas moins une société financière dont la souveraineté et les intérêts de la France ne seront pas les priorités lorsqu’un autre fonds étranger, peut être cette fois-ci hostile, lui rachètera l’ADIT.
L’argument du financement du développement international pour construire un leader capable de rivaliser avec des concurrents Anglo-saxons sera mis en avant mais si le groupe est dépecé par ses concurrents ou si la France perd totalement son contrôle, le contribuable français aura certes financé une structure publique à fonds perdus mais d’autres conséquences sont à craindre comme le risque pour la sécurité de la France. La perte de ce groupe stratégique qui aurait dû rester dans le giron de la France, pourrait aussi desservir de grandes entreprises françaises pour lesquelles cette collaboration est essentielle. On peut par ailleurs s’interroger à propos d’une telle précipitation 2 mois avant l’élection. Des acteurs du dossier craignent-ils que la cession ne puisse avoir lieu si Emmanuel Macron n’est pas réélu ?
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il est l’initiateur du projet International Convention for a Global Minimum Wage, dirige le Plan de régionalisation de production Europe Afrique ou programme Africa Atlantic Axis et anime le site Collectivité Nationale.