Salaire minimum mondial : une voie pragmatique pour réduire le saccage de l’environnement
Libre-échange sauvage et surproduction, saccage de l’environnement, esclavage dans les pays émergents et précarisation dans les pays développés : La mondialisation heureuse et bienfaitrice n’est guère au rendez-vous mais un salaire minimum mondial à trois niveaux, spécifique aux exportations, offrirait des solutions.
Apres l’échec de toutes les conférences sur l’environnement, un changement de stratégie est urgent
Le réchauffement climatique est indéniable mais deux positions s’opposent principalement : Processus cyclique naturel de réchauffement du climat contre lequel nous ne pouvons guère ou peu lutter efficacement même s’il est généralement admis que l’homme porte une part de responsabilité plus ou moins lourde ou conséquence directe de l’industrialisation depuis 200 ans dont nous pourrions réduire les effets négatifs en instituant un ensemble de mesures punitives surtout à destination des pays développés ? Ces dernières permettraient, selon les défenseurs de ce postulat, d’abaisser considérablement les émissions de CO2 et ainsi ralentir une progression de 1 ou 2 degrés puis la fonte des glaces et l’élévation du niveau de la mer. Dans ce débat passionné, chacun semble s’être déjà forgé une opinion entre idéologie et analyses scientifiques. Nous proposons une autre approche plus réaliste mais aussi plus philosophique, tendant à revaloriser les produits pour diminuer les gaspillages.
Lorsqu’une ouvrière rémunérée mensuellement 30 ou 100 €, assemble plusieurs centaines ou milliers de vêtements chaque mois, on considère souvent que le coût de fabrication est insignifiant mais il n’en va pas de même pour l’impact sur l’environnement car le textile est la deuxième cause de pollution derrière l’industrie pétrolière.
En instituant un salaire minimum, le vêtement abandonnera progressivement son statut de produit jetable. Des salaires de 300 ou 400 € ne feraient pas grimper obligatoirement les prix dans les grandes enseignes. Ceux-ci sont généralement fixés en fonction du pouvoir d’achat des pays consommateurs et de la concurrence. Seraient principalement impactés, le rythme hebdomadaire des collections «fast fashion», les budgets publicitaires, la surfaces des magasins pharaoniques installés sur les avenues les plus prestigieuses et les marges bénéficiaires.
Auparavant chaque article avait un coût de fabrication qui le valorisait. Désormais, H&M brule chaque année, selon des journalistes danois, 12 tonnes de vêtements. Selon un rapport publié le 28 novembre 2017 intitulé “A new textiles economy : Redesigning fashion's future”, chaque seconde, l’équivalent d’un camion poubelle chargé de textile est incinéré ou jeté. Le gaspillage des vêtements à peine portés avoisinerait 400 milliards d’euros par an et les 500 000 tonnes de microfibres rejetées à la mer chaque année représenteraient 50 milliards de bouteilles en plastique.
Ce modèle de libre-échange débridé qui favorise une production plus quantitative que qualitative et déplace des centaines de millions de tonnes de marchandises d'un bout à l'autre de la terre, devra être repensé. Selon Le Gardian, les 15 plus gros porte-conteneurs polluent autant que la totalité du parc automobile mondial. Aujourd’hui, près de 100 000 cargos sillonnent les mers.
Les conférences sur le climat qui ont eu lieu à Paris en 2015 ou 2017 ont sensibilisé le monde aux enjeux environnementaux mais à l’instar des précédentes réunions, ne permettront pas de réduire la surproduction notamment chinoise. L’empire du milieu avait déjà fait échouer la conférence de Copenhague en 2009 et ne cache pas son ambition de dominer l’économie mondiale avant de songer à réduire sensiblement ses émissions dont le pic ne sera atteint qu’en 2030 mais juge la contribution climatique des pays développés très insuffisante. Depuis la COP 21, de nombreux pays ne souhaitent plus adhérer et l’échec semble encore avéré.
Pas de salaire minimum européen possible sans un salaire minimum mondial
Lors du dernier sommet social européen, Emmanuel Macron a ressorti des cartons de Bruxelles, le thème du salaire minimum européen mais le jeune président français ne semble guère avoir intégré tous les paramètres inhérents à une économie de marché mondialisée.
En effet, une augmentation unilatérale des salaires européens désindustrialiserait et appauvrirait un peu plus une Union européenne qui déplore déjà un déficit extérieur de 170 milliards de dollars avec la Chine, comparable à celui des USA qui dépassait 478 milliards de dollars en 2016 avec ce même pays.
Au sein des pays de l’UE, seule l’Allemagne tire son épingle du jeu. Celle-ci remporte le jackpot avec un excèdent mondial record de 293 milliards de dollars dont 257 avec la Chine. La première économie de l’UE profite à la fois d’un yen et d’un yuan sous-évalués qui lui permettent d’importer des pièces à bas prix mais aussi d’une main d’œuvre de sous-traitants des pays voisins dont les salaires comptent parmi les plus modestes d’Europe.
Les pays européens aux plus bas salaires de l’UE ne renonceront pas à leur avantage compétitif à moins que l’augmentation n’affecte guère leurs économies respectives. Mais pour cela, il serait alors indispensable que l’ensemble des autres pays à bas coûts augmentent également les salaires en concurrence soit ceux des ouvriers et employés produisant des biens et services ensuite exportés vers les grands marchés de consommateurs.
Le projet de salaire minimum européen unique ou selon le revenu médian de chaque pays n’a jamais abouti lorsque l’UE ne comptait que 15 membres et 25 ans après Maastricht, on peut douter d’une éventuelle adhésion des 28 pays. Un salaire que les Etats pourraient difficilement assumer dans leurs administrations ou que les entreprises produisant pour la population locale ne pourraient guère payer à leurs salariés, n’a bien évidemment aucune chance de voir le jour, même en deux étapes, zone euro puis UE, ainsi que le préconise le président de la commission européenne Jean Claude Juncker.
Aussi, l’instauration d’un salaire minimum européen pourrait passer par celle, conjointe, d’un salaire minimum mondial. Le salaire minimum mondial à trois niveaux, réservé aux salariés qui produisent des biens destinés à l’exportation, est une option qui devrait être maintenant envisagée.
Convention internationale pour un salaire minimum mondial,
Spécifique à l’exportation et comportant 3 niveaux
Le projet de convention internationale pour un salaire minimum mondial que l’on aurait pu aussi baptiser convention internationale pour la dignité humaine et la préservation de la planète, s’affranchirait des traités internationaux de commerce et de libre-échange, en vertu du principe de légitimité et de hiérarchie des priorités. Organisée sous l’égide des deux grands marchés de consommateurs (USA et UE), elle serait, afin d’en privilégier l’efficacité, indépendante des organismes existants (pour exemple, La gestion calamiteuse de la convention de 1928 pendant plus de 80 ans par l’OIT, peut faire douter de l’efficience d’un éventuel partenariat). Au terme des accords signés, la convention deviendrait une entité permanente veillant à leur application.
Aujourd’hui, des États ferment les yeux sur les conditions de travail en pensant servir l’intérêt national mais des salaires indécents maintiennent surtout des populations entières dans la misère et les pays dans le sous-développement. Les gouvernements devraient désormais s’enquérir du respect des nouveaux droits dans les entreprises. Les réclamations de salariés lésés, formulées auprès de l’organisme international dédié, génèreraient d’abord des amendes puis remettraient en question les importations en provenance du pays.
Toutefois, le pragmatisme s’impose et il conviendrait de procéder par étape. Aussi, le salaire minimum mondial ne concernerait au début que 2 à 3 filières manufacturières parmi celles dont la production et le transport comptent parmi les plus polluants.
Il serait indispensable, afin de ne pas accentuer des désordres économiques, que l’ensemble des pays souscrivent. Pour exemple : Une augmentation de 30 % du salaire de l’ouvrier manufacturier chinois travaillant pour l’exportation, garantirait mieux le maintien des emplois également revalorisés, occupés chez les sous-traitants de plus en plus nombreux sur tous les continents.
1/3) Salaire minimum exportation applicable dans l’ensemble des pays hors USA, UE et Chine
Il conviendrait donc de soumettre l’exportation vers les deux grands marchés importateurs, à l’engagement des chefs d’états, au cours de la convention internationale pour un salaire minimum, de légiférer ensuite dans leurs pays respectifs, en faveur d’un salaire minimum mondial rémunérant les ouvriers et employés qui produisent des biens et services destinés aux USA et à l’UE. Son montant qui pourrait se situer entre 250 et 350 € les premières années, serait déterminé au terme d’un vote de la convention. Ambitieux pour les uns, trop modeste pour d’autres, ce pas constituerait néanmoins un indéniable progrès social pour plusieurs dizaines de millions de femmes et d’hommes rémunérés quelques dizaines ou un peu plus d’une centaine d’euros par mois pour travailler parfois dans des conditions proches de l’esclavage.
2/3) Salaire minimum européen (UE)
La création au sein de l’UE d’un salaire minimum européen qui pourrait avoisiner 600 €, accélérerait la réalisation de l’Europe sociale souhaitée par Bruxelles mais qui jusque-là a échoué. La hausse salariale satisferait les ouvriers des 10 pays de l’UE dont le salaire minimum est proche ou inférieur à 400 € sans pour autant menacer les économies des états. En effet, il est peu probable que les industries de main d’œuvre maintenant délocalisées dans des pays à plus bas coûts reviennent instantanément dans des pays qui ont perdu leurs savoir-faire et leurs capacités productives. Pour exemple, la fabrication d’articles textiles bas ou moyen de gamme ne coûterait le plus souvent que quelques centimes ou dizaines de centimes d’euro en plus. En revanche l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés de l’industrie et des services exportés pourrait générer au sein de l’UE, des marchés à plus forte valeur ajoutée parfois plus locaux et respectueux de l’environnement.
3/3) Salaire minimum chinois exportation
Pays en développement mais aussi le plus pollueur, la Chine constitue un autre cas. Sa population est gravement impactée par les ravages environnementaux provoqués par la surproduction. Une part croissante de ses forces vives rêve maintenant de fuir la pollution. La Chine est en passe de devenir la première puissance économique et devra montrer l’exemple en produisant moins mais mieux des articles plus qualitatifs fabriqués par des salariés mieux rémunérés. Il conviendrait de proposer un salaire minimum chinois à destination des travailleurs produisant pour l’exportation vers les USA et l’UE qui pourrait se situer entre le salaire minimum de 250/350 euros préconisé pour un grand nombre de pays et celui de 600 euros qui serait en vigueur au sein de l’UE. Les salaires manufacturiers chinois avoisinent de plus en plus fréquemment 350 euros. Aussi un montant de 450/500 euros pourrait être jugé raisonnable si l’on considère également le taux horaire minimum toujours très supérieur et proche de 8 et 10 dollars ou euros aux USA et dans plusieurs pays de l’UE. Les hausses de taux d’inflation pourraient s’avérer faibles. Effectivement, l’augmentation ne concernerait pas les travailleurs œuvrant pour la production locale et n’affecterait donc que peu les prix locaux. Néanmoins, la progression sociale s’étendrait au fil des années, mécaniquement et plus ou moins progressivement, selon la structure économique de chaque pays. Le revenu minimum appliqué à une part de la population active d’un pays, constitue un concept sans précèdent et nous ne disposons pas d’exemple. Alors citons l’augmentation historique du salaire minimum français, décidée lors des accords de Grenelle en 1968. Celui-ci effectuait un bond de 35 %, le revenu minimum agricole progressait de 55 % et d’autres salariés voyaient au cours des mois ou des années suivantes, leur rémunération croître de 100 % ou davantage mais le taux d’inflation resta stable jusqu’au premier choc pétrolier de 1974. Si l’on prend l’exemple plus récent de la Chine, on observe que la multiplication du salaire moyen par 300 % en moins de dix ans, n’a pas généré une flambée des prix des produits exportés et vendus dans les rayons des enseignes occidentales.
La position des USA sera déterminante
Certes le salaire minimum mondial ne résoudrait pas toutes les problématiques. Néanmoins, il initierait une transition vers un indispensable changement de paradigme. Consommer moins mais mieux pourrait en constituer l’un des objectifs. Le projet pourrait en outre constituer pour l’heure, l’une des rares armes de modération susceptible de freiner la destruction de notre habitat. Mais il n’est pas certain que les dirigeants de l’Union européenne, influencés par les lobbys installés à Bruxelles, en aient la volonté. Apres l’unanimisme affiché lors de la conférence de 2015 sur le climat, la Commission européenne a appliqué contre toute attente, en septembre 2017, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) avant sa ratification et contre l’avis des experts qui jugent que les futurs effets de ce nouveau traité de libre-échange, affecteront un peu plus l’environnement. Alors, le salut viendra-t-il d’outre atlantique ? Possible si l’on pense que l’UE ne pourrait ensuite que suivre.
Le président Donald Trump pourrait discerner à travers le projet de salaire minimum mondial, un outil de régulation permettant de rééquilibrer la balance commerciale des Etats-Unis. D’autres y verront un moyen de faire reculer l’esclavage dans le monde ou de réduire les émissions nocives de la surproduction. Mais quelles que soient les motivations de chacun, le salaire minimum mondial pourrait fédérer et son avènement représenterait un important progrès qui contribuerait à l’apaisement de populations au bord de l’explosion sociale. Cet inédit projet humain de développement offrirait de nouvelles perspectives à des femmes et des hommes qui n’envisagent aujourd’hui leur avenir que dans le déracinement et l’exil.
Francis JOURNOT
International convention for minimum wage.org